Dossier

Local Professionnel et Bail Commercial : les 10 Obligations du Propriétaire-Bailleur - Partie 1/2

Crédit article : Julien PIERRE & Annabelle BARROT 20/09/2024 • 4 min.
Notre nouveau dossier en deux parties pour évoquer les obligations du propriétaire d’un local professionnel vis-à-vis de son locataire dans le cadre du bail commercial, avec la participation d'Annabelle BARROT, gestionnaire de bâtiments professionnels pour la société Berry's Blois. Dans cette première partie sont abordés les thèmes suivants : les documents obligatoires, l’inventaire précis de répartition des charges entre bailleur et locataire, l’Assurance Propriétaire Non Occupant, la Garantie d’Eviction et le Droit de Préemption.
Le bail commercial, document incontournable pour la location d’un local professionnel

Le bail commercial, document incontournable pour la location d’un local professionnel

A la différence de la location d’un bien d’immobilier d’habitation (où le particulier loue un bien pour y vivre et y habiter), le local professionnel est destiné à accueillir une activité commerciale, industrielle ou artisanale et sa location est régie par le bail commercial qui engage sur une période de 9 ans avec possibilité d’en sortir au bout de 3 et 6 ans.

Gardez bien à l’esprit que c’est le bail commercial tel qu’il a été rédigé et signé pour le local considéré qui régit les engagements respectifs des parties. Les obligations du propriétaire que nous présentons peuvent être négociées dans le contrat. Nous le signalons quand c’est le cas.

Quels sont les documents obligatoires que le propriétaire d’un local professionnel doit fournir au locataire ?

Si le bail commercial est le premier des documents obligatoires que le bailleur doit fournir à son locataire, ça n’est pas le seul car il doit également fournir plusieurs documents appelés à y figurer en annexe :

  • L’état des lieux
  • Le Diagnostic de Performance Energétique DPE (dont la durée de validité est de 10 ans)
  • Le Diagnostic Amiante
  • L’Etat des Risques Naturels, Miniers et Technologiques à l’adresse du local : voir à ce sujet notre article et vous pouvez connaître cet Etat des Risques en ligne sur le site Géorisques.

Enfin le propriétaire est tenu de fournir une quittance* (en immobilier professionnel, on parle davantage de facture car il y a une TVA) de loyer à la demande du locataire, Annabelle nous précisant que l’envoi de la facture est normalement systématique en immobilier d’entreprise.

En complément on peut citer l’Annexe Verte ou Annexe environnementale qui concerne uniquement les locaux commerciaux et les bureaux si la surface prise à bail est supérieure 2.000 m², mais ce document n’est pas obligatoire. Il s’agit d’une liste qui détaille les équipements et systèmes (et leurs caractéristiques énergétiques) de l’immeuble et du local et leur consommation d’eau et d’énergie, avec un plan de suivi et d’actions pour améliorer la performance énergétique.

>>Nos questions à Annabelle BARROT, Responsable Gestion Immobilier d'Entreprise chez Berry's Blois >>

As-tu des conseils à donner sur l’état des lieux ? Qui le réalise et quel doit être son niveau de détail ?

Annabelle BARROT : "L’état des lieux doit être écrit ou par voie électronique, fait pièce par pièce et chaque pièce est scrutée du sol au plafond. Tous les détails sont notés sur ce dernier, ainsi que les indices des différents compteurs présents dans le local et le nombre de clés remises. Je conseille surtout de l’agrémenter de nombreuses photos. L’état des lieux peut être fait à titre contradictoire entre les deux parties, bailleur et preneur ou par voie d’huissier."

Que se passe-t-il si le Diagnostic Amiante indique une présence de ce matériau ?

AB : "Cette information est notée dans le bail et le diagnostic annexé au bail. Le preneur doit être informé de la situation. Charge au bailleur de faire les vérifications périodiques des zones amiantées afin de vérifier l’état de non-dégradation de l’amiante.

Il est possible de louer un local qui présente de l’amiante dans le DTA (Diagnostic Technique Amiante). Si l’amiante est ‘en bon état’ de conservation, non détérioré, non volatile, c’est ok pour la location sous réserve de contrôle périodiques (tous les ans ou tous les 2 ans).

L’amiante était au départ considéré comme un très bon isolant. Il est souvent présent dans la toiture mais protégé par un faux plafond : les poussières d’amiante sont quasiment inexistantes."

Le propriétaire doit-il fournir un inventaire détaillé des charges ?

Un inventaire détaillé des charges doit figurer dans le bail commercial sous la forme d’un tableau précisant pour chaque ligne la part bailleur et la part locataire.  

On classe les charges en plusieurs catégories, Annabelle en identifiant quatre :

  • Grosses réparations
  • Entretien courant
  • Petites et moyennes réparations
  • Impôts et taxes

Chaque année, le propriétaire-bailleur a obligation d’adresser au locataire un état récapitulatif des charges avec un décompte de régularisation.

Dans le cas d’un ensemble immobilier multi-locataire, la répartition des charges se fait au prorata des surfaces occupées.

Les autres charges, impôts et taxes

Concernant les impôts, taxes et redevances liés à la propriété des locaux (CFE, taxe foncière, taxe de balayage, taxe d’enlèvement des ordures ménagères, etc) ils peuvent tous être mis à la charge du locataire si le bail commercial le précise. Le preneur peut également avoir à sa charge les honoraires de gestion technique.

Le bailleur a en revanche à sa charge les honoraires qu’il acquitte pour la gestion des loyers du local ou de l’immeuble.

>>Nos questions à Annabelle >>

Quelle est la pratique courante en matière de ‘transfert’ de charges (si il y en a une) ?

AB : "Il est imputé au locataire l’entretien courant de l’immeuble, ce sont les contrats de maintenance et les petites et moyennes réparations, le bailleur prenant à sa charge les grosses réparations et ce qui relève de la vétusté. La liste des charges locataire doit être annexée au bail.".

La taxe foncière peut-elle être rebasculée à 100% sur le locataire ?

AB : "Tout à fait, l’usage veut que la taxe foncière peut être refacturée à 100% au locataire mais cela peut aussi faire l’objet d’une négociation entre le preneur et le bailleur sur le pourcentage de répartition.". 

Le propriétaire doit-il souscrire une assurance PNO (Propriétaire Non Occupant) ?

L’assurance propriétaire non occupant (PNO) prémunit le propriétaire des préjudices que le bien peut causer au locataire ou aux tiers qui sont reçus dans les locaux.

Elle offre des garanties telles que la responsabilité civile professionnelle mais aussi les incendies, les dégâts des eaux, les catastrophes naturelles, les vols, les effractions ou encore le vandalisme.

Elle vient apporter une couverture complémentaire des sinistres qui ne seraient pas couverts par le contrat d’assurance multirisque du locataire.

Dans l’exercice de ses fonctions, Annabelle considère que l’Assurance Propriétaire Non Occupant est vivement conseillée voire obligatoire et doit être souscrite par le bailleur car elle permet de couvrir tout ce qui est structurel dans l’immeuble.  Dans la pratique elle a pu observer que la PNO s’était révélée nécessaire pour par exemple couvrir le cas d’une vitrine détériorée lors d’un cambriolage ou une recherche de fuite dans le cas d’une infiltration dans une toiture.

Qu’est-ce que la Garantie d’Eviction et comment protège-t-elle le locataire ?

La garantie d’éviction vise à protéger le locataire contre la perte de la jouissance du local ou de son droit au bail, que celle-ci soit du fait du propriétaire lui-même ou d’un tiers.

C’est le régime légal qui protège le locataire contre une concurrence directe que lui ferait le propriétaire, des aménagements que celui-ci entreprendrait dans le local et le rendrait impropre à sa destination ou encore la revendication du droit au bail par un tiers.

>>Nos questions à Annabelle >>

As-tu déjà connu des cas où la garantie d’éviction avait été remise en question ? Du fait d’un propriétaire lui-même ? D’un tiers ?

AB : "J’ai rencontré ce cas d’un propriétaire d’un plateau de bureau qui a donné congé sans offre de renouvellement à son locataire. Parce qu’il s’agissait de bureaux, on a pu obtenir un accord entre les parties avec une indemnité versée par le bailleur et calculée sur la base des frais de déménagement, d’installation et honoraires éventuels générés par ce déménagement contraint.".

Qu’est-ce que le droit de préemption et dans quels cas s’applique-t-il ?

Si le propriétaire souhaite vendre son local, il doit le proposer en premier lieu au locataire (principe valable pour les baux commerciaux conclus après le 1/12/2014). C’est le droit de préemption, aussi appelé droit de préférence.

Le bailleur qui veut vendre doit communiquer au locataire titulaire du bail le prix, les charges éventuelles et les conditions. Ce dernier a ensuite un mois pour se prononcer, l’absence de réponse équivalant à un refus.

Attention le droit de préemption dépend de l’usage du local : le droit de préférence s’applique à plein pour les locaux à usage commercial, artisanal ou mixte ; il est limité pour les locaux à usage de bureaux aux locataires ‘effectuant des actes de commerce’ ; et n’existe pas en cas de vente d’un local à usage industriel (comme un entrepôt).

Il ne s’applique pas non plus dans les cas suivants : vente unique ou globale d’un ensemble immobilier constitué de plusieurs locaux, vente d’un local commercial au copropriétaire d’un ensemble commerciale, vente globale d’un immeuble contenant des locaux commerciaux, vente d’un local à un conjoint ou une personne de la famille.

>>Nos questions à Annabelle >>

Dans ce que tu as pu observer, des locataires se portent-ils souvent acquéreurs de bâtiments que leur bailleur leur proposait à l’acquisition ? Existe-t-il des typologies de bâtiments pour lesquels ce type de scénario se produit davantage ?

AB : "J’ai rencontré quelques dossiers (en majorité des locaux à usage commercial) où le locataire souhaitait se porter acquéreur de son local mais a manqué de financements.".

 

SUITE DE L'ARTICLE

Dans la seconde partie de notre dossier, nous abordons l'obligation de délivrance, la jouissance paisible des lieux, les travaux pris en charge par le bailleur, le compteur EDF et la garantie des vices cachés.

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